Quel sens pourrions-nous donner à cette crise ?

Mon article est à retrouver dans l’édition d’avril de l’AGEFI Luxembourg.

Le sens, c’est ailleurs 

Si l’on s’en tient aux propos de la philosophe Julia De Funès, le point commun entre les trois acceptions du mot « sens », à savoir celles de la sensation, de la direction et de la signification, nous révèle que le sens est toujours procuré par une extériorité[1].

« Le sens n’est jamais là où l’on est, mais là où l’on va ! »

Dès lors, après avoir fait chacun l’expérience des sensations provoquées par le confinement, il devient essentiel, pour s’en sortir si j’ose dire, de se donner une destination non pas que pour des vacances, dont nous avons tous grand besoin, mais surtout d’engagement.

Le passage d’un monde à l’autre

En d’autres termes, l’expérience tangible durant le confinement de nos manques, de nos besoins profonds, de nos « non négociables », nous aura permis de mettre au jour notre système de valeurs, entendez notre « gouvernail ».

En effet, pour les existentialistes que nous serons peu ou prou devenus lors de cette crise, ce travail forcé du questionnement de la pensée constitue l’une des pépites de cette période. C’est en effet, toujours comme le souligne Julia De Funès, une prérogative exclusivement humaine, que celle de chercher le sens que l’on veut donner à sa vie.

Chacune et chacun s’équipera de son système de valeurs pour appréhender le monde d’après. Ce qui représente en soi un vrai progrès, certes, mais un progrès non suffisant.

Si en tant qu’individu, nous nous sommes dotés bon gré, mal gré d’un nouveau gouvernail, en même temps, la cartographie du monde est aussi en train de changer.

Le fait est que ce microbe dévastateur nous a tous placés du même côté, au-delà même de la notion de frontières. Il a superbement éliminé l’idée qu’il y ait d’un côté les bons et de l’autre les méchants. Même si chacun la vit et contribue à sa manière, nous faisons face tous ensemble à cette pandémie.

La réaction à laquelle nous assistons est celle de la solidarité, que ce soit de la part des états ou des groupes qui se sont spontanément constitués pour défendre et aider les plus faibles. Un signe fort qui montre que notre société essaie de garantir à tout le monde un moyen pour survivre et aller de l’avant.

L’entreprise à l’aune de la solidarité 

Comment l’entreprise qui représente, elle aussi, une communauté de destins, peut-elle intégrer cette autre pépite, cette autre valeur qu’est la solidarité ?

L’une des réponses les plus sensées et engagées peut être apportée par les travaux de Blanche Ségrestin et de Kevin Levillain[2], coauteurs déjà en 2010 du concept d’entreprise à mission. L’entreprise à mission dédie son activité à une cause commune, sociale et environnementale, et n’a pas seulement vocation à réaliser des bénéfices.

Comme nous l’avons montré au début de cet article, travailler pour travailler ne peut plus suffire ; tout comme s’enrichir pour s’enrichir ne peut plus être l’unique vocation de l’entreprise. La raison d’être de cette dernière, sa contribution à la société pourrait devenir sa nouvelle destination.

Le temps est donc venu pour les entreprises de repenser leurs finalités pour qu’elles puissent contribuer davantage au bien commun ! Le temps est venu pour elles de proposer une nouvelle destination à leurs collaborateurs pour que chacune et chacun puissent s’accomplir, poursuivre un projet clair qui fait sens, être convaincu de son utilité.

Créer une société apprenante, vivable et durable, n’est possible qu’en développant l’entraide, en comptant sur ses pairs.

C’est faire ensemble qui fait aujourd’hui toute la différence !


1] Le sens, Atelier Philo, Julia de Funès – Arnauld Rosine, Podcast, 23 mars 2020

[2] La mission de l’entreprise face aux enjeux contemporains de responsabilité, de B. Ségrestin et K. Levillain (dir.), La mission de l’entreprise responsable. Principes et normes de gestion, Presses des Mines, 2018